Accélérer les transitions des entreprises pour les rendre réelles et solides.
Nous le savons, les entreprises sont faites pour minimiser les risques et non maximiser l’innovation ou les visions longues.
Or plus que jamais, le monde a besoin d’entreprises qui s’engagent dans leur mission et leur raison d’être, pour toutes ensemble, créer un nouveau modèle. Les entreprises ont trop longtemps concentré leurs efforts uniquement sur le profit, il est temps d’organiser une nouvelle économie…
Ça c’est un bel objectif ! mais c’est loin de la réalité ! Et c’est dommage, car on n’a plus le temps. C’est factuel et surtout c’est partagé par toute la communauté scientifique depuis plus de 30 ans. Le dernier rapport du Giec le confirme, nous avons moins de trois ans pour corriger le tir sur la majorité de nos systèmes, avant le point de non retour.
Maintenant qu’on est tous au pied du mur et que la quatruple pression (marché, réglementaires, financier, employés) fait son œuvre, nous n’avons plus le choix. L’heure est à la transformation RADICALE. Fini le temps des effets de communication, fini le temps du Greenwashing (ou de l’autruche), nous sommes rentrés dans l’ère du leadership courageux!
Nous sommes dans la décennie de l’action. Une action puissante, ambitieuse à la hauteur de la tâche à accomplir. Il n’est pas trop tard si le secteur privé joue enfin son rôle.
Alors quelle place pour l’entreprise ?
Dans ce nouveau modèle, elle ne devrait plus seulement être au service de ses actionnaires mais elle devrait participer à servir l’intérêt de l’humanité et de la planète. Une entreprise, ce sont des employés, des clients, des fournisseurs, des investisseurs, des parties prenantes publiques et privées, internes et externes. Il est temps de créer de la valeur pour tous ces interlocuteurs, c’est cette transition qu’elle doit opérer. Et vite !
L’urgence climatique nous force à revoir complètement le rôle de l’entreprise mais aussi les interactions entre la finance, la comptabilité, la recherche, la politique et la société. Il s’agit d’inventer de nouvelles façons de manger, cultiver, habiter, se déplacer, fabriquer, échanger… non plus seulement pour être plus efficaces et rentables, mais pour garantir notre survie. Le secteur privé n’a d’ailleurs plus le choix : pas de profit sur une planète morte…
Pour y arriver, les entreprises doivent de nouveau mettre en oeuvre une transformation profonde de leurs organisations et ça c’est pas gagné… Elles ont mis 15 ans pour seulement comprendre la révolution digitale et comprendre que c’était en réalité une mutation du business dans un monde digital. Combien de temps va-t-il leur falloir pour comprendre que c’est la mutation du business dans un monde durable?
Pascal Canfin, le président de la Commission Environnement et Santé du Parlement Européen, a dit lors de son intervention chez We Don’t Need Roads que les entreprises qui ne changeraient pas leur modèle seraient vouées à disparaître, lâchées par leurs investisseurs, leurs consommateurs, leurs partenaires…
Après des années aux côtés des grands groupes et des PME, je continue de croire que cette transition est possible — pour ne pas dire vitale, même si les entreprises ne sont pas nécessairement structurées pour affronter cette transformation.
L’innovation est l’un des grands enjeux des entreprises face à l’urgence. En effet, il faut continuer à développer et mettre à disposition de tous les entrepreneurs et industriels de nouvelles sources de packaging, d’ingrédients, de technologies qui protègent, et non qui polluent ou qui surexploitent nos ressources naturelles. C’est un enjeu complexe, et pourtant ce n’est qu’un enjeu parmi d’autres…
Il faut aussi réussir à construire des objectifs de réduction des émissions carbones, qui soient ambitieux, à la hauteur du défi. Exit les calculs en relatif, il faut compter en absolu (autrement dit, le total des émissions doit réduire, non l’émission par unité produite). Exit les annonces à 2050 sans plan d’action, les compensations à coup de plantation d’arbres sans modification du business model… L’heure est à l’action cohérente, rapide, transparente et concrète. Et le sujet carbone devra ensuite ouvrir la voie aux entreprises vers les autres sujets que l’on a sur l’eau ou encore la biodiversité.
Il faut également arriver à appliquer la sobriété sur toute la chaîne de valeur de l’entreprise (réduire la consommation des énergies, limiter les déchets, réduire le nombre de références produits…). Dans un monde limité, ce qu’on veut pérenniser doit avoir une empreinte nulle ou positive, il n’y a pas d’autre choix. Il n’y en a jamais eu d’autre, mais aujourd’hui, nous sommes face au mur… Des systèmes entiers vont s’effondrer faute de réinvention.
Rendre lisible et transparente l’information à tous les acteurs des chaînes de valeurs et avoir des moyens de vérifier ces informations, permettra de valoriser et mettre en avant les fabricants et les acteurs qui utilisent moins de ressources naturelles et qui émettent moins d’émissions carbone. La confiance a pour base la transparence, et cette confiance a depuis longtemps été perdue à bien des niveaux. Elle est la clé pour recréer un véritable mouvement et engager les consommateurs et les parties prenantes dans cette transition. L’enjeu est trop grand pour le faire tout seul, et sans confiance, impossible de fédérer.
Les entreprises doivent revoir leur modèle et passer d’une économie linéaire (je produis, je crée un usage unique, je jette) à une véritable économie circulaire, décarbonée, plus ambitieuse que beaucoup de modèles qu’on voit émerger ces dernières années qui ne sont que des améliorations semi-circulaires de modèles linéaires — un packaging recyclable n’est pas recyclé à 100%, et une fontaine en magasin ne suffit pas à éviter 100% des déchets, on en est très loin.
Cette nouvelle économie circulaire est la seule solution pour résoudre l’équation viabilité x durabilité. Et elle n’est qu’un début : de circulaire, il faudra ensuite passer à des modèles régénératifs qui protègent et développent les écosystèmes naturels et humains.
Si c’est si nécessaire, pourquoi les entreprises n’arrivent pas à faire cette transition ?
Je pense qu’il y a de nombreux freins, notamment l’obsession du P&L et de la rentabilité financière, ancrée dans notre formation et notre expérience du “business as usual” — qui entraîne par exemple la destruction de produits si le fait d’en produire des nouveaux rapporte plus d’argent à l’entreprise… ou encore que des matières polluantes ou destructrices pour la planète peuvent être intégrées dans des produits sur justification d’un prix moindre.
Comme dans tout cadre de transformation, les projets d’innovation durable requièrent souvent des investissements importants au démarrage parce qu’ils touchent à des changements profonds des outils de production, des filières… Il est temps de donner une vraie place, analytique et stratégique, à la rentabilité extra-financière.
Il y a un vrai manque de connaissance et de formation du top management et des équipes sur les enjeux et les conséquences des choix stratégiques. Comment changer un modèle si on ne comprend pas les enjeux ? Les plans ne sont pas étudiés avec un prisme environnemental fort, pourtant vital. Les business models ne sont pas revus à la lueur des risques environnementaux, sociaux et économiques — alors que se transformer dans un monde qui devient 100% durable, ce sont des bénéfices à la fois économiques, logistiques, financiers, réputationnels, de marque employeur, d’engagement collaborateur… Une gestion du risque sur des sujets qui en parallèle sont les principaux sujets d’inquiétudes des dirigeants d’entreprises de toutes tailles en 2022. Et puis le rôle d’un dirigeant n’est-il pas avant tout de garantir la survie de l’outil économique ? Sans stratégie pour protéger et développer l’entreprise dans un monde durable, il n’en restera pas grand chose une fois que les lames de fond législatives et financières, et l’évolution palpable des comportements des consommateurs, et l’émergence de nouveaux acteurs “impact native” auront fait le ménage.
Très bien, c’est vital. Alors par quoi on commence ?
J’y reviens, l’une des réponses pour accélérer la transition des entreprises vers un modèle plus durable c’est l’innovation et la réinvention en profondeur des marques et des business models. Mais ce n’est qu’un pilier qui va permettre cette transformation.
En sus, il va falloir améliorer l’existant, faire en sorte que les citoyens et les consommateurs adoptent de nouvelles habitudes de consommation, que les filières se mettent en place, que les réglementations changent (que les gouvernements valorisent les productions locales et non destructrices pour la planète, comme c’est déjà le cas avec le Green Deal, avec le renforcement des lois anti-greenwashing autour des nouveaux outils de l’ONU — et leurs nouveaux groupes de travail pour bannir les entreprises “trop disantes” — et des législateurs locaux — comme avec loi “Climat et Résilience” en France …).
Alors avec tous ces défis, comment se mettre sur la voie de la transition pour que ça fonctionne ?
Voici ce que nous avons appris chez We Don’t Need Roads, et qui nous a permis d’accompagner plusieurs dizaines d’entreprises sur différents aspects de ce virage délicat grâce à nos méthodologies éprouvées et nos équipes commandos :
1/ Comprendre, explorer, cartographier
- La première étape est toujours de bien comprendre son nouveau terrain de jeu, décrypter les réalités et les intégrer dans ses processus — afin de dérisquer la stratégie, identifier les points de progrès et sécuriser les points forts.
- Il est aussi important, et difficile, de bien comprendre ce qu’on est, et l’information qu’on possède — chaine de valeur, historique d’innovation, stratégie RSE, équipes… — que de bien lire l’environnement externe — le marché, les tendances, la concurrence, les fournisseurs, les consommateurs… — et son avenir proche — comme on peut le faire avec des experts sectoriels qui apportent leur culture et leur expérience, avec des futurologues et des designers qui extrapolent les tendances…
- Il faut enfin s’équiper pour être capable de collecter, analyser et utiliser les données climat dans tous les systèmes (achat, financier…) pour prendre de meilleures décisions. Il faut intégrer dans le système de décision des entreprises, la prise en compte des enjeux environnementaux dont elles dépendent. En dotant par exemple la finance d’une 2e jambe qui intègre les impacts sociaux et environnementaux, on incitera les entreprises à aller vers des démarches plus vertueuses.
2/ Aligner, répartir et connecter les talents pour coordonner la démarche
- On pense souvent que le simple fait d’être à plusieurs va donner de la puissance, mais la réalité est tout autre et même avec la meilleure volonté du monde c’est souvent très difficile de sortir avec des choses concrètes. Il faut donc un fonctionnement en mode projet en alignant les intérêts.
Il faut penser à intégrer toute la chaîne de valeur et les parties prenantes dans les processus, parce que la transition ne se mène pas seul. - Il est primordial de savoir connecter les meilleurs experts et intégrer les enjeux business, environnementaux et sociaux. On peut avoir un excellent expert carbone pour analyser l’empreinte d’un produit au début, mais il faudra un expert très différent pour appliquer un plan d’action ensuite, toujours sur l’empreinte carbone. La connexion avec le business se fera bien parce qu’on embarque des personnes aptes à traiter la stratégie business.
3/ Être agile et rapide, travailler avec l’action en ligne de mire
- Il faut savoir aller vite, parce qu’on n’a pas le temps, parce que ce qui est valable aujourd’hui, en terme d’attente marché, de réglementation ne le sera certainement pas demain. Et dans toute organisation, les temps longs sont aussi l’occasion de remettre en question, d’hésiter, de trouver d’autres priorités — il faut réapprendre à essayer, à avancer sans connaître la route.
- Une stratégie aussi belle soit-elle, reste une stratégie. Presque 100% des entreprises aujourd’hui, ont une réflexion sur ces sujets. Mais cela ne mène à rien, et la situation reste risquée, si elle n’est pas équipée d’un plan d’action précis à court, moyen et long terme, et d’une équipe chargée de l’implémenter. Un plan carbone à 2050, c’est un sprint qui commence cette semaine !
Aujourd’hui, nous travaillons avec Sephora, Decathlon, Colgate ou Pierre Fabre Dermo Cosmétique à différents étages de leurs transformations Climat, au niveau mondial comme local.
Parfois, il faut réinventer toute la stratégie, reprendre des piliers entiers, avant de les passer à l’action.
Le monde n’attend pas des entreprises qu’elles soient parfaites, individuellement nous ne le sommes pas non plus, mais qu’elles soient honnêtes et transparentes sur les efforts à fournir pour faire cette transition et qu’elles se donnent les moyens d’y arriver. Nous pouvons aider, nous savons aider, parlons-en !
We Don’t Need Roads, We Do Need Bold Move !
Article rédigé par Jeanne Rives, co-fondatrice de We don’t need roads.